J’attendais mon troisième enfant et je fis ma première échographie, celle du troisième mois.
Les échographies furent toujours un moment sympathique pour moi car on voit son bébé, on entend son cœur… pas de chance cette fois-ci, mon mari était en voyage et n’avait pu m’y accompagner.
Tout à coup, je sens l’échographe tendu, silencieux. Je subodore un problème et lui demande si ça va et si le cœur bat et lui de me répondre : « oui, le cœur bat mais il ne bouge pas beaucoup… » Puis, au cours de la conversation, il me parle de problème génétique, de trisomie 13, 18, 21, viable ou non… je n’y comprenais rien ; c’était totalement étranger pour moi… et il me fait comprendre que ma grossesse allait s’arrêter… « Ne vous inquiétez-pas, il y a tant (un pourcentage dont je ne me souviens plus) de pourcent de grossesses qui se terminent comme ça…»

Alors, c’est la catastrophe, le chaos ; le monde s’écroule… moi, si heureuse d’être enceinte, de voir mon bébé à l’échographie, je sors de ce rendez-vous dans un stress inouï et un problème grave : j’attends un bébé qui a un problème, plus seulement un bébé mais aussi, d’abord et surtout un problème…
Le soir, mon mari rentre de voyage et je lui raconte mon rendez-vous et lui annonce que je vais faire une fausse couche… et là, il me dit que je n’ai pas bien compris ce que l’échographe a voulu me dire sans être explicite : « le bébé que nous attendons a un problème et il te propose d’arrêter ta grossesse. » J’étais ahurie !
Au regard de notre conversation, l’idée que l’échographe m’avait véhiculée était : « Vous attendez un problème, éradiquons le problème… »

Même si ça part d’un bon sentiment car le médecin soigne, guérit, soulage et veut nous éviter au maximum la souffrance… et je ne le nie pas, notre fille a 10 ans, elle est atteinte de trisomie 21 et tout n’est pas toujours simple ; il y a souffrance, oui, mais il n’y a pas que ça ! Loin de là !
En effet la vie n’est pas simple avec nos enfants porteurs d’un handicap (mais quelle vie l’est vraiment ?) mais la vie est possible et même belle ! 
Notre fille est un torrent de gaieté et d’affection… oui, elle a des problèmes, elle est partie dans la vie avec « un chèque en blanc plus compliqué » que les autres mais elle n’est pas qu’un problème comme j’ai pu le ressentir et me l’imaginer lors de cette échographie et les semaines traumatisantes qui ont suivie.
On n’a pas la famille sans souci dont on avait rêvé au départ mais notre fille nous comble au-delà de nos espérances ; elle fait des merveilles et sa joie simple rejoint particulièrement ceux qui vont mal.

Alors, avec du recul, de quoi aurais-je eu aussi besoin ?
D’une écoute, d’une explication, d’un réel conseil sur toutes les voies possibles :
-arrêter la grossesse avec ses conséquences
-me donner une réelle information sur la trisomie 21 et ses conséquences
Le positif et le négatif des deux solutions…
Alors que je me suis sentie abasourdie par un problème très lourd à gérer, qui m’écrasait et que je ne dominais pas du tout car je ne savais pas à quoi allait ressembler ma vie, notre vie avec un enfant atteint de trisomie et la seule voie possible semblait alors d’arrêter ma grossesse alors que je sentais mon bébé bouger… je me sentais comme coincée dans un étau…

Pourquoi j’ai finalement gardé mon bébé ?
Car après avoir la certitude du diagnostique par amniocentèse, cette période fut horrible à vivre mais je fus très soutenue par mon conjoint, nos familles et nos proches ce qui m’a permis de réfléchir et de faire mon choix ; très difficile choix car je sentais bien que ma vie avait basculée avec ce diagnostique et que dans les deux cas, la vie ne serait pas aussi simple que si le bébé que j’attendais était « ordinaire » comme mes deux ainées.
Maintenant avec du recul, je me dis avoir eu une chance inouïe d’avoir fini par trouver au bout de quelques semaines, la bonne orientation pour moi et je voudrais que soit mis en place de vraies possibilités d’écoute et de conseil par des personnes éclairées sur les différentes maladies de l’intelligence pour accompagner en vérité, en douceur et avec professionnalisme les mères et les couples confrontés à de tels choix. Évitons de tels stress !
Pour nous, le rôle de l’entourage aura été très important et si j’avais eu ça dès le jour de l’échographie… quelle aide précieuse cela aurait été pour moi et pour nous…

Et comme en témoigne le nombre grandissant de personnes qui nous sont adressées à mon conjoint et moi dès qu’il y a un problème lors d’une grossesse…il y a une vraie souffrance à partir de la détection d’un problème de grossesse, lors du diagnostic prénatal. Il faut organiser une vraie information et un réel conseil pour ne plus laisser tous ces futurs parents seuls et si désemparés.
Nous avons besoin, les femmes ont besoin et envie d’une information positive et objective comme pour tout choix dans notre vie. Nous avons des degrés de conscience différents par rapport à la vie, c’est pourquoi nous avons d’autant plus besoin d’être éclairés.

V. Toubin (non-professionnelle)